Alors, heureux-se?

J’me marre toute seule!

Quand même, quand je pense à la gueule que vont tirer des gens qui n’avaient JAMAIS ouvert un Charlie Hebdo, et qui se sont précipité pour l’acheter…
Je les vois, pleins d’une ferveur impatiente, après avoir fait la queue des heures, sortir du kiosque à journaux en brandissant fièrement l’étendard nouveau de la liberté et de la lutte contre toutes les oppressions qu’est devenu Charlie Hebdo.
Je les vois bien, eux qui les larmes aux yeux et le cœur chaviré sont sortis dans la rue dimanche, dans un silence digne entrecoupé de flots d’applaudissements, avec des centaines de milliers d’autres tous fraîchement baptisés de leur nouvelle identité : ils SONT Charlie, ils sont debout, main dans la main tous unis ils n’ont pas peur et vive la République libre et laïque!!!
Je les vois, oui, ces milliers de gens qui avant le 7 janvier n’avaient même jamais entendu causer de Charlie et qui, empreint d’un sentiment magnifique de solidarité pour les familles des victimes, ont poireauté dans le froid pour être de CEUX qui ONT acheté Charlie.

Au fait, c’est le premier million d’exemplaire dont les ventes vont directement aux familles. Les deux autres millions c’est pour comme d’hab.
Et donc, ces braves gens qui vont l’ouvrir, pour leur toute première fois, comme pour être déviergés par cet esprit rebelle et irresponsable, irrespectueux et cynique au 1000ème degré.
Rhôooo… La claque.
Dès la première page, ils vont sentir passer la chose, et sans vaseline : eh oui, c’était, c’est ça, Charlie Hebdo, mieux que dans vos rêves hein!

Ils vont voir Mère Thérésa causer de sucer des queues ou les djihadistes pointer à Pôle Emploi, ou encore Stouf le Skin, débile néonazi encarté au FN. Ils vont y lire quelques vérités bien senties sur tout le tralala du rassemblement du 11. Ils vont y trouver l’humour, la liberté d’expression, le ton volontairement mordant qui ne rate personne, vraiment personne, même pas eux-mêmes : ce qu’on appelle l’autodérision par exemple.
Et certainement, quelques un de ces « Je suis Charlie » vont se sentir légèrement nauséeux devant tant d’insolence, devant ces « petits bonhommes » gribouillés qui ne peuvent absolument pas se contenter d’un premier degré et vous poussent, quand même, à la réflexion : ce qu’on appelle la satire, par exemple.
Oui, je les vois bien, ces nouveaux dépucelés de la vraie liberté de la presse, l’air un peu dubitatif (ah, c’est « ça », Charlie? Ah ouais, quand même!).

Peut-être vont ils aimer, peut-être vont ils comprendre ce qu’il s’agit de vraiment défendre (un tout dernier espace de liberté?), comprendre pourquoi les cloches de Notre-Dame qui sonnaient en hommage aux victimes du journal étaient tout aussi déplacées que la brochette de maffieux patentés du premier rang.
Ou peut-être vont ils détester, replier la chose comme un drap de lit sali par une nuit de baise intense et honteuse  avec un-e inconnu-e et jeter ça au linge sale, ils n’ont qu’à le laver entre « eux » après tout. Ils vont regretter d’avoir clamé qu’ils étaient eux aussi des Charlies. N’est pas Charlie qui veut!
Mais dans tout les cas, la chose importante, c’est que… ils ont le choix. Aimer ou pas, lire ou pas : Charlie Hebdo n’est pas un journal interdit, n’est pas un journal censuré. On sera pas lapidé de l’avoir lu, même si eux sont morts de l’avoir écrit.
Et ça, c’est grâce à qui? Aux vrais Charlies, qui depuis tant d’années se battent contre la censure et pour la laïcité, comme le veut la République.

 

Merci, Charlie, juste merci.

 

Charlie Hebdo du 14/01/2015

Charlie Hebdo du 14/01/2015

 

Même en étant terriblement touchée et émue, pardon mais… Je ne suis pas Charlie, je suis moi.

Et je n’aurais de cesse de me foutre largement de la gueule des enfoirés d’intégristes extrémistes terroristes à petite bite et sans cerveau, qu’ils soient catholiques, musulmans, fascistes, bouddhistes, juifs, animistes, véganistes, sexistes, communistes, nationalistes, racistes, féministes, artistes, cyclistes et tous les meutes de tristes qu’on pourra trouver là dedans, j’en oublie.


Je ne peux pas être Charlie, parce que j’ai pas eu ni le talent ni les couilles de ses rédacteurs. Même si des fois j’ai pas kiffé leurs manières et que ça faisait lurette que j’avais pas ouvert un Hebdo, leur rentre-dedans illustré a été nécessaire à plus d’une ouverture d’œil et d’esprit.


L’attentat ignoble dont ces dessinateurs, journalistes, policiers ont été victimes et l’immense merdier et réactions nauséabondes qui s’ensuivent prouve à quel point Charlie avait raison de dénoncer à sa manière parfois violente, lourdingue et cynique TOUS ces extrêmes imbéciles.


Parce que c’est d’abord à ça qu’ils s’en prenaient : à la BÊTISE, celle qui musèle, celle qui fait peur, celle qui laisse le pouvoir aux pires et prive de liberté ; qu’elle soit de parole, de la presse ou d’expression.
Et pas depuis hier seulement hein, mais ça fait plus de 50 ans. C’est pour ça qu’autant de monde est touché, parce que c’était un peu des tontons branleurs, que Duduche était un frangin, sur deux ou trois générations ça fait long. Ceux qui ouvrent leurs bouches sans savoir doivent retracer l’historique AVANT de l’ouvrir.


Malheureusement, ces vieux pères étaient les derniers garants de cette liberté là, et ils en sont morts.


Et aujourd’hui c’est l’armée de sombres connards qui en ressort victorieuse : on les voit faire les malins au milieu de la foule des « Charlie ».
Certains déchirent des Corans ou tirent sur des mosquées tout contents d’avoir enfin un prétexte, bénis par ceux qui les tiennent en laisse ; d’autres se félicitent de ces meurtres et portent les assassins en héros en pensant avoir vengé un concept divin auquel ils n’ont rien compris… Le tout servant de justification à une « unité républicaine » sortie d’on ne sait où, mais qui fait se tenir main dans la main les responsables maffieux de la déchéance d’une démocratie rêvée : allonzenfants de la patrie, sus au barbare! Les voilà enfin réunis, pour le pire.
Le tout remixé par les médias, bien sur, et offert sur un plateau d’argent aux lobotomisés du petit écran.


La mort en réponse aux coups de crayons. Et la terre tourne avec tous les jours, à chaque instant, des horreurs perpétrées partout avec pour seuls coupables ceux qui nous gouvernent et leurs marionnettes, et les chiens des marionnettes qui gardent les moutons…


Charlie AVAIT raison…

 

Illustration de Dave Brown

Illustration de Dave Brown

Pars pas, Charlie, pars pas…

Avant Charlie, il y avait Hara Kiri. Il y a eu Cavanna aussi. Et n’en déplaise aux jeunots qui ne savent pas que ces gens, les Cabu, les Wolinski, Tignous, Charb ont été vainqueurs sur la censure, vainqueurs sur la liberté d’expression en sachant la mort collée à eux mais sans peur ; n’en déplaise aux sombres crétins qui n’ont que des « ils l’ont bien cherché » dans leurs gueules de chiennasses flétris, n’en déplaise à ceux qui ouvrent leurs bouches prêtes à la critique alors qu’ils n’ont pas l’ombre d’un quart du courage de ces types là…
Oui, n’en déplaise à eux : Charlie Hebdo avait, a, aura bien raison de continuer de se foutre de la gueule des intégristes de tout poil, de la politique de merde, de la culture de fond de chiotte.
Il a raison, CHARLIE.
La preuve? Il en est MORT.

 

#jesuischarlie

5931320215770

Lettre Ouverte de Cavanna aux Culs-Bénits.
Lecteur, avant tout, je te dois un aveu. Le titre de ce livre est un attrape-couillon. Cette « lettre ouverte » ne s’adresse pas aux culs-bénits. […]

Les culs-bénits sont imperméables, inoxydables, inexpugnables, murés une fois pour toutes dans ce qu’il est convenu d’appeler leur « foi ». Arguments ou sarcasmes, rien ne les atteint, ils ont rencontré Dieu, il l’ont touché du doigt. Amen. Jetons-les aux lions, ils aiment ça.

Ce n’est donc pas à eux, brebis bêlantes ou sombres fanatiques, que je m’adresse ici, mais bien à vous, mes chers mécréants, si dénigrés, si méprisés en cette merdeuse fin de siècle où le groin de l’imbécillité triomphante envahit tout, où la curaille universelle, quelle que soit sa couleur, quels que soient les salamalecs de son rituel, revient en force partout dans le monde. […]

O vous, les mécréants, les athées, les impies, les libres penseurs, vous les sceptiques sereins qu’écœure l’épaisse ragougnasse de toutes les prêtrailles, vous qui n’avez besoin ni de petit Jésus, ni de père Noël, ni d’Allah au blanc turban, ni de Yahvé au noir sourcil, ni de dalaï-lama si touchant dans son torchon jaune, ni de grotte de Lourdes, ni de messe en rock, vous qui ricanez de l’astrologie crapuleuse comme des sectes « fraternellement » esclavagistes, vous qui savez que le progrès peut exister, qu’il est dans l’usage de notre raison et nulle part ailleurs, vous, mes frères en incroyance fertile, ne soyez pas aussi discrets, aussi timides, aussi résignés !

Ne soyez pas là, bras ballants, navrés mais sans ressort, à contempler la hideuse résurrection des monstres du vieux marécage qu’on avait bien cru en train de crever de leur belle mort.

Vous qui savez que la question de l’existence d’un dieu et celle de notre raison d’être ici-bas ne sont que les reflets de notre peur de mourir, du refus de notre insignifiance, et ne peuvent susciter que des réponses illusoires, tour à tour consolatrices et terrifiantes,

Vous qui n’admettez pas que des gourous tiarés ou enturbannés imposent leurs conceptions délirantes et, dès qu’ils le peuvent, leur intransigeance tyrannique à des foules fanatisées ou résignées,

Vous qui voyez la laïcité et donc la démocratie reculer d’année en année, victimes tout autant de l’indifférence des foules que du dynamisme conquérant des culs-bénits, […]

À l’heure où fleurit l’obscurantisme né de l’insuffisance ou de la timidité de l’école publique, empêtrée dans une conception trop timorée de la laïcité,

Sachons au moins nous reconnaître entre nous, ne nous laissons pas submerger, écrivons, « causons dans le poste », éduquons nos gosses, saisissons toutes les occasions de sauver de la bêtise et du conformisme ceux qui peuvent être sauvés ! […]

Simplement, en cette veille d’un siècle que les ressasseurs de mots d’auteur pour salons et vernissages se plaisent à prédire « mystique », je m’adresse à vous, incroyants, et surtout à vous, enfants d’incroyants élevés à l’écart de ces mômeries et qui ne soupçonnez pas ce que peuvent être le frisson religieux, la tentation de la réponse automatique à tout, le délicieux abandon du doute inconfortable pour la certitude assénée, et, par-dessus tout, le rassurant conformisme. Dieu est à la mode. Raison de plus pour le laisser aux abrutis qui la suivent. […]

Un climat d’intolérance, de fanatisme, de dictature théocratique s’installe et fait tache d’huile. L’intégrisme musulman a donné le « la », mais d’autres extrémismes religieux piaffent et brûlent de suivre son exemple. Demain, catholiques, orthodoxes et autres variétés chrétiennes instaureront la terreur pieuse partout où ils dominent. Les Juifs en feront autant en Israël.

Il suffit pour cela que des groupes ultra-nationalistes, et donc s’appuyant sur les ultra-croyants, accèdent au pouvoir. Ce qui n’est nullement improbable, étant donné l’état de déliquescence accélérée des démocraties. Le vingt et unième siècle sera un siècle de persécutions et de bûchers. […]

François Cavanna est un écrivain, journaliste et dessinateur humoristique français, né le 22 février 1923 à Paris et mort le 29 janvier 2014 à Créteil

François Cavanna est un écrivain, journaliste et dessinateur humoristique français, né le 22 février 1923 à Paris et mort le 29 janvier 2014 à Créteil